Quand je l’ai annoncé au bureau, personne ne m’a cru. Et je ne pouvais pas croire que personne ne me croyait.

« C’est que je n’ai pas l’intention de l’annoncer plusieurs fois. On n’annonce pas ce genre de choses plus d’une fois. Voilà, c’est fait. »

Les volte-face laissent souvent les gens incrédules. On est tellement prisonniers de nos conformismes, de nos habitudes, de notre routine. Dans mon cas, la décision était facile. La seule que je pouvais prendre.

Je ne leur demandais pourtant pas de faire la même chose. Seulement de me croire et de me laisser partir. Même pas nécessaire de me comprendre. Je ne suis pas sûr que tout le monde peut (puisse?) comprendre de toute façon. C’est que j’ai souvent été incompris.

Je ne suis sûr de rien. Même pas de ma décision. J’ai seulement dit qu’elle fut facile. Pas nécessairement que c’était la meilleure. Je suis toutefois convaincu que c’était la meilleure. Arrêtez de mêler convictions et certitudes! Vous m’agacez avec ça.

La voie dans laquelle je m’engageais était totalement inconnue. Je n’avais jamais entendu parler de quelqu’un qui a fait ça. Mais je serais néanmoins très étonné d’être un précurseur en la matière.

Je parle au passé, à l’imparfait. Pour tout dire, l’annonce n’est pas encore faite. Mais au moment où la plupart liront ces lignes, elle le sera. Je la prépare méticuleusement. Avec emphase et panache. Je lui consacre toute l’attention qu’elle mérite.

Ce sera un point tournant de ma vie. Comme chaque jour l’a été jusqu’ici. Je tourne toujours en rond. Je suis bouddhiste dans l’âme.

Avant de faire mon annonce, j’ai un programme chargé. Ramasser les feuilles de l’érable, du frêne, du maronnier et du tilleuil, écouter les trente-six albums de Dylan, terminer la lecture du Charme des après-midi sans fin de Dany Laferrière, signer le pacte de transition de Dominic Champagne ou poser quelques gestes liés au pacte, nettoyer les gouttières et divorcer.

Ça va me donner le temps de bien mijoter ma décision et de me préparer à ma nouvelle vie. Et aussi de coucher l’annonce sur papier. Je ne l’annoncerai pas verbalement. Les gens pourraient retenir le message tout croche et je serais pris pour rester!

Impressionner une fée est une occupation à temps plein. Chaque moment compte et ne peut pas être pris à la légère. C’est un art singulier qu’il faut savoir apprivoiser. Un art tellement complexe que notre système d’éducation n’a jamais osé s’y aventurer.

Je ne prétends pas le maîtriser. Au contraire. Mon incursion dans ce dernier se fera en dilettante, donc par pur plaisir et de manière fantaisiste. Mais commençons par l’annonce.