Mon héron

Je suis parti de Verdun sans but précis, sinon de me rendre au bout du chemin qui mène aux rapides, ceux de Lachine qui sont en fait à LaSalle. Vous me suivez?

La force des rapides m’impressionne toujours. Est-ce possible qu’ils gagnent en vitesse et en puissance? C’est bien l’impression qu’ils me donnent. De ma chambre, si la fenêtre est ouverte, je les entends toujours et ils m’appellent.

Leur impétuosité me plonge généralement dans de profondes réflexions sur la vie. Puis, sur le chemin du retour, je tombe généralement sur une outarde qui a décidé de s’installer en plein milieu du sentier. Je ne les affectionne guère. Les contourner comme une vache sacrée m’irrite au plus haut point. Elles me montent au nez!

Au bout du sentier qui offre une vue saisissante du pont Champlain illuminé, j’aime m’asseoir afin de poursuivre mes réflexions. C’est là où j’ai aperçu mon frère le grand héron ce soir. Bien installé pour pêcher, il avait fière allure, pratiquement camouflé par le bleu du fleuve derrière lui.

Je l’ai admiré longtemps. La soirée est agréable sur les berges. On sent la chaleur de l’été et la fébrilité des oiseaux en ce printemps tant attendu. L’air est bon. J’indique à des passants la position du héron car je suis le seul à l’avoir vu grâce à mon positionnement privilégié.

Sur le chemin du retour, il ne s’est pas passé grand chose sinon que je me suis laissé tenter par une chaise longue orientée vers le fleuve. J’y ai poursuivi ma méditation, confortablement allongé , jusqu’au coucher du soleil.

Je ne saurai jamais si le héron est resté sur sa faim ce soir. Ou s’il s’est envolé le ventre plein. Mais les rapides ont une fois de plus apaisé mon âme, après une journée remplie de petits tracas professionnels. Ou c’était peut-être le héron? Ou les deux?

Je ne cherche plus de réponses. De toute façon, la nuit portera conseil et au petit matin, ma principale préoccupation sera de faire couler le café et humer son odeur irrésistible. Je serai prêt à tout, heureux de revivre encore une fois cette même journée, encore et encore. Puis je me poserai une question. Qu’est-ce que je mange?